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Décompositions trigonométriques

On trouve fréquemment dans la littérature la formule trigonométrique suivante pour expliquer le phénomène des battements: $$\cos(\omega_1 t)+\cos(\omega_2 t)=2\cos(\frac{\omega_1-\omega_2}2 t)\cos(\frac{\omega_1+\omega_2}2t)~,$$ avec l’interprétation que le premier facteur est l'”amplitude” du battement (de fréquence $\Omega=(\omega_1-\omega_2)/2$) qui module l’oscillation (le second facteur) de fréquence $\overline\omega=(\omega_1+\omega_2)/2$).

Figure du haut: les deux ondes avant superposition, $\omega_1/2\pi=262$Hz, $\omega_2/2\pi=393$Hz. Figure du bas: la superposition (en noir), l’enveloppe $|\cos(\Omega t)|$ (en bleu) et l’oscillation de fréquence $\overline\omega$ (turquoise). Les pointillés turquoises indiquent l’oscillation inversée lorsque $\cos(\Omega t)<0$. Les tirets entre les deux figures visualisent la longueur d’onde de chaque courbe (dans une oscillation de la courbe bleue, il y a 3 oscillations vertes, 2 rouges et 2.5 turquoise).

Cette formule est bien entendu mathématiquement correcte, mais pose un certain nombre de problèmes dans son interprétation:

  • Il n’y a aucune généralisation naturelle de cette formule à la somme de deux ondes d’amplitudes différentes, c’est à dire: $A\cos(\omega_1 t)+B\cos(\omega_2 t)$ avec $A\ne B$.
  • Elle n’a en réalité pas la forme Amplitude$\times$Oscillation, car une amplitude est une fonction non-négative. L’interprétation visuelle de cette décomposition est d’ailleurs plutôt comme $$|\cos(\Omega t)|\times\mbox{sign}(\cos(\Omega t))\cos(\overline\omega t)~.$$ Remarquez que la fréquence de $|\cos(\Omega t)|$ est $2\Omega$!
  • Ces formules trigonométriques sont des identités exactes, donc valables aussi bien pour des petites différences $\omega_1-\omega_2$ que des grandes différences (deux notes différentes). Il semblerait donc que l’addition d’un Do (262 Hz) et d’un Sol (393 Hz) serait alors un Mi (327.5 Hz) avec un battement à 65.5 Hz (trop rapide pour être entendu). Ceci n’est musicalement pas vrai: on n’entend pas Mi, mais bien Do.

La série harmonique

Une onde sonore de hauteur mélodique définie est une fonction périodique du temps $t$, correspondant à un spectre $\{\alpha_n\,:\,n=1,2,\dots\}$ sur une fréquence fondamentale $\omega$:
$$\phi_\omega(t)\,=\,\alpha_0+\sum_{n=1,2,\dots}\alpha_n\cos\bigl(2\pi n\omega (t-\tau_n)\bigr)~.$$
La suite des fréquences apparaissant dans cette formule s’appelle la série harmonique: les fréquences ${\omega, 2\omega, 3\omega, 4\omega, \dots}$ se nomment la fondamentale ($n=1$), la première harmonique ($n=2$), la deuxième harmonique ($n=3$), etc. On peut donc identifier chacune des composantes de l’onde à une note supplémentaire comme dans la Figure 1.

La série harmonique de do. Les nombres au-dessus de la portée sont les écarts par rapport à la note tempérée.

C’est la fondamentale $\omega$ qui donne son nom à la note de musique, par exemple on appellera n’importe quelle onde sonore de fréquence fondamentale $\omega=440$ [Hz] un la, quels que soient les coefficients de la série. Deux notes dont les fondamentales sont dans un rapport de $2$ ($\omega_2=2\cdot\omega_1$) forment une octave et portent le même nom. Ainsi les notes $\omega = 110, 220, 440, 880$ [Hz] sont toutes des la. Remarquez que la série harmonique de la$=880$ [Hz] est entièrement contenue dans la série harmonique de la$=440$ [Hz], de même que pour les harmoniques de n’importe quelle autre note de la série (par exemple mi$=1320$ [Hz] ou do♯$=2200$ [Hz]). Toutefois, ces notes seraient considérées comme “fausses” dans un tempérament égal (qui prescrit mi$=1318.51$ [Hz], do♯$=2217.46$ [Hz]).

La musique vue par un physicien théoricien

Cela fait 40 ans que je pratique la musique (avec quelques interruptions) et 25 ans que je suis physicien, et donc que j’essaie de comprendre la musique avec les outils de ma profession. Cela n’a jamais été mon sujet de recherche, seulement une distraction intermittente et occasionnelle. Ce blog est né dans l’envie de structurer ces réflexions, de tenter de les relier entre elles et de leur trouver une cohérence.

Le choix du format blog offre la possibilité d’écrire les chapitres dans le désordre et de laisser l’ensemble grandir un peu aléatoirement. Chaque fois qu’un nouveau chapitre paraîtra, les précédents seront mis à jour pour le relier entre eux.

Je classerai mes billets en plusieurs catégories non-exclusives, telles que mathématiques et algorithmes (qu’est-ce que l’intonation, comment construire un son numérique, etc.), physique (comment les instruments sont-ils conçus, pourquoi la température change l’accordage, etc.) et biologique (pourquoi entend-on les harmoniques, la musique est-elle le résultat d’une sélection évolutive).

Tout ce que j’écris ici est déjà connu et se trouve dans la littérature, mais parfois de manière (à mon avis) confuse, ou pas suffisamment illustrée à mon goût. Dans certain cas, la littérature peut même être contradictoire et je ferai parfois des commentaires à ce sujet.